Les origines de l’éducation internationale : l’innovation

S’il y avait un esprit qui animait les débuts du mouvement des écoles internationales, c’était indéniablement celui de l’innovation. Les écrits sur la naissance de l’éducation internationale, dont le plus marquant est le célèbre "Livre rouge" de Marie-Thérèse Maurette et Fred Roquette - un recueil de vignettes et de témoignages d’enseignants et d’élèves couvrant la période des années 1930 jusqu’à l’après-Seconde Guerre mondiale - sont empreints du rêve poétique qui traversait alors les jeunes organisations vouées au maintien de la paix, telles que la Société des Nations et le Bureau International du Travail: un véritable souffle de créativité était dans l’air, accompagné d’une vision résolument optimiste de l’avenir. Aujourd’hui encore, en lisant ces récits empreints d’émotion, on ne peut qu’être touché par la force de conviction et la volonté de changement qui s’en dégagent avec tant d’intensité.

De la nature expérimentale de la pédagogie par l’investigation à l’accent mis sur l’internationalisme, les pionniers de l’École Internationale de Genève étaient animés d’un zèle à la fois visionnaire et contagieux.
Ce même esprit d’innovation fut le moteur de l’Institut Jean-Jacques Rousseau (qui créa le Bureau International de l’Éducation à Genève) et, quelques années plus tard, de l’Association des Écoles Internationales (ISA), qui existe encore aujourd’hui.

L’ouvrage intemporel Schools Across Frontiers d’Alec Peterson, ainsi que la thèse doctorale de Ian Hill (1993), capturent l’enthousiasme de l’époque, incarné par des figures quasi mythologiques telles que Paul Dupuy (créateur du cours d’humanités internationales de l’Ecolint), Marie-Thérèse Maurette, directrice à la fois énergique, austère et mystérieuse, qui guida l’école durant ses premières années et, surtout, à travers la Seconde Guerre mondiale, ainsi que des esprits audacieux comme Robert Leach. 

Ce dernier joua un rôle clé dans la conception du premier Modèle des Nations Unies pour les élèves du secondaire ainsi que du Baccalauréat International, étant financé par l’école pour entreprendre un tour de 120 jours dans plusieurs établissements afin de mener les recherches nécessaires à ce projet. D’autres figures, profondément engagées dans la cause de l’éducation internationale, étaient prêtes à faire d’importants sacrifices personnels, comme Desmond Cole-Baker, alors directeur de la section anglaise de l’école. C’est lui qui obtint les subventions de l’UNESCO pour le lancement du projet et le fonctionnement de l’Association des Écoles Internationales (ISA). C’est également Cole-Baker qui eut la vision d’étendre ce qui, à l’origine, n’était qu’un projet visant à faire reconnaître le cours d’histoire internationale de l’École Internationale de Genève comme un A-level (passé par seulement cinq élèves en 1963) en un programme éducatif complet. 

Il demanda aux enseignants chargés de concevoir ce curriculum novateur de tout oublier de ce qu’ils avaient appris, de se projeter en l’an 2000 et d’imaginer quelle éducation serait nécessaire aux élèves pour s’épanouir à cette époque. Quelques années plus tard, en tant que Directeur Général du Baccalauréat International, Cole-Baker alla jusqu’à hypothéquer sa propre maison pour payer les salaires de ses employés.

Nous considérons l’histoire comme une série d’événements, mais ces événements sont impulsés par des individus, et c’est leur énergie, leur vision, leur créativité et leur audace qui ont fait la différence, permettant aux idées de devenir réalité et au changement de se produire. Cela est particulièrement vrai pour le mouvement de l’éducation internationale : il n’aurait pas pu voir le jour sans une vision soutenue et courageuse. Cela impliquait de s’engager dans un projet qui n’était pas initialement viable financièrement et de ne pas céder à la force du conservatisme et à un scepticisme excessif.

De nos jours, des mots comme créativité et innovation sont presque devenus des clichés : nous les entendons lors de conférences, nous lisons sur la nécessité d’être créatif dans d’innombrables articles sur le leadership et la gestion du changement. Il est peut-être vrai que nous devons tous adopter un esprit d’innovation pour être prêts à affronter l’avenir. Peut-être que l’audace et la prise de risque des pionniers de l’éducation internationale peuvent nous inspirer en ce sens.

Conrad Hughes
Directeur général