Pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque l'école offrait une éducation gratuite aux réfugiés juifs, elle faillit faire faillite, et les salaires des enseignants étaient souvent versés en retard. Beaucoup de professeurs de l'école internationale occupaient également des postes à l'Université de Genève pour compléter leurs revenus, car leur situation financière était loin d'être stable.
Dans les années 1990, le Directeur général George Walker (qui devint plus tard Directeur général du Baccalauréat International) collabora avec les syndicats pour établir la convention collective unique de l’Ecolint, la "CCT" (Convention Collective de Travail), qui est aujourd’hui largement reconnue dans les écoles internationales. Parmi les figures clés de son élaboration figuraient Othman Hamayed, un directeur d’école grandement respecté, charismatique et tourné vers l’international, ainsi que Arnold Nussbaumer, un professeur de chimie et défenseur des droits syndicaux. L’accord ne fut adopté par le Conseil de Fondation qu’à une très faible majorité, grâce notamment au soutien courageux du président de l’époque, Ambi Sundaram.
La CCT garantissait, et continue de garantir, des conditions de travail décentes pour les employés, notamment des ajustements systématiques au coût de la vie, des augmentations selon l’échelle salariale, ainsi que diverses protections et avantages. Essentiellement, elle a mis en place des systèmes et des processus clairs pour les mesures disciplinaires, protégeant ainsi le personnel contre des décisions arbitraires de la direction et offrant aux responsables un cadre structuré pour gérer des situations complexes. Cela permet d’éviter l’improvisation, les incohérences et d’éventuels abus.
Aujourd’hui, l’une des crises mondiales les plus préoccupantes et pourtant parmi les moins discutées est la pénurie de professeurs à l’échelle planétaire. Avec plus de 44 millions d’enseignants nécessaires dans le monde, la profession est de plus en plus précarisée et dévalorisée dans de nombreuses régions, entraînant une "grande démission" ainsi qu’un manque d’intérêt des jeunes pour les carrières dans l’enseignement. Les gouvernements investissent souvent insuffisamment dans l’éducation, malgré son rôle essentiel dans l’épanouissement individuel, le développement sociétal et le bien commun. Les enseignants des établissements éducatifs à but lucratif font également face à des conditions de travail souvent difficiles.
À ce jour, l’Ecolint est la seule école privée en Suisse à bénéficier d’une convention collective de travail aussi complète.
Bien que la CCT ne doit pas être idéalisée – un document seul ne peut suffire à créer une culture scolaire épanouissante, et toute adhésion dogmatique ou purement opportuniste à ses dispositions ne ferait qu’engendrer un légalisme cynique –, ses aspects positifs sont indéniables. Elle constitue un modèle pour les institutions éducatives à l’échelle mondiale, en particulier dans un contexte marqué par des politiques d’austérité et des tentatives de démantèlement et de sous-financement des institutions solides, souvent au détriment des effectifs et des charges de travail soutenables. Des protections robustes pour les travailleurs deviennent de plus en plus essentielles pour préserver la profession enseignante et, par extension, la qualité de l’éducation des jeunes.
Conrad Hughes
Directeur général
Les origines de l’éducation internationale : les conditions d’enseignement
Lorsque l’École Internationale de Genève (Ecolint) ouvrit ses portes en 1924, le nombre initial d’élèves était très faible, avec seulement huit inscrits, et l’école fit face à un déficit budgétaire dès la fin de la première année. Certains remirent en question la pertinence de poursuivre cette expérience, soulignant son démarrage lent et son retour sur investissement limité. Cependant, l’un des principaux facteurs ayant permis à l’école de continuer à fonctionner fut son engagement à honorer le contrat d’enseignement conclu avec une docteure en philosophie de l’Université de Chicago, spécialiste des idées de Dewey, qui avait traversé l’Atlantique spécialement pour contribuer à la vision fondatrice de l’école : une éducation pour la paix, fondée sur une pédagogie constructiviste et axée sur l’apprentissage par l’enquête. Son nom était Florence Fake.

Publié
03 March 2025